L’art musical de Brassens

Conférence avec illustrations musicales

par Yves Richard, Pianiste de Jazz. 

C’était le 11  Octobre  2018 

Au  restaurant  Les Coulondrines  (Golf de  Saint-Gély-du-Fesc)  dans le cadre des rencontres « Pause-Culture » de Saint-Gély-du-Fesc.

Contenu de la conférence

La qualité d’un grand compositeur musical jusque-là assez insoupçonné et enfin débusqué : Georges Brassens !

C’est par cette pointe d’humour que le conférencier, Yves Richard, pianiste de jazz,avait annoncé sa conférence. Auteur-compositeur-interprète, Brassens gagne à être analysé aussi sur le plan musical. A l’aide d’illustrations musicales jouées en direct au piano, reconnus dès les premières notes par les brassensophiles avertis dans la salle, le conférencier va le démontrer.

Joël Favreau,  guitariste accompagnateur  de Brassens (mais aussi de Le Forestier, de Moustaki et d’Higelin) pendant plus de 10 ans n’écrivit-t-il pas : « ….les musiques de Georges sont d’une telle richesse qu’elles offrent aux musiciens un terrain de jeux extraordinaire. Chacun peut y apporter son propre éclairage, selon son inspiration et son talent » ?

Essayons de résumer la conférence sur L’art musical de George Brassens en nous appuyant sur le texte de la conférence d’Yves Richard.

Le conférencier débute en jouant l’air de C’est dans un char à bœuf et en commentant : « cette Marche nuptiale  ne dirait point une cantate de Bach ?

Brassens aurait pu faire comme Nougaro, écrire des textes et les interpréter. Mais il décida d’en écrire aussi la musique. La rumeur dit que Brassens serait un compositeur musical de second ordre. Trois raisons à cela: un ton de voix jugé assez monocorde, une orchestration réduite, et sa propre affirmation qu’il convient à un poète écrivain de chansons comme lui, de donner un rôle de simple accompagnement à la musique qui doit passer en second plan pour juste soutenir le texte.

Chanteur ? Il est vrai que Brassens n’a pas une voix, comme celle de Brel ou de Nougaro par exemple. D’ailleurs à ses débuts, il cherchait à placer ses chansons auprès de chanteurs. Il fit quelques années de cabaret sans rencontrer  le succès. Ce n’est qu’à son audition à 31 ans le 24/1/1952 auprès de Patachou, qu’il est poussé sur scène par elle en première partie et c’est un succès : « Patachou a trouvé un poète », titre un journal. Cependant, on aurait tort de considérer Brassens comme un mauvais chanteur. Boris Vian avait remarqué son phrasé et sa façon de décaler, comme dans le jazz. Soulignons également la facilité que Brassens a de changer d’octave et de moduler comme dans 95 fois sur cent. Pas si facile à chanter !

Orchestration Avant 1952, dans les cabarets, Brassens passait en s’accompagnant à la guitare sèche sur les conseils d’un ami. Il avait mis au point sa pompe : tcha poum tcha poum. Il connaissait par cœur de très nombreux accords. Il chantait sans regarder sa guitare. En 1952 Patachou lui prêta son bassiste : Pierre Nicolas. Son orchestration se réduit à cordes vocales + guitare + contrebasse. Plus tard, il adjoint un guitariste solo qui jouait en contre chant.

Dans sa jeunesse, Brassens compose des chansons à Sète à partir de l’âge de 16 ans. Il joue de la mandoline. On est alors en 1937. Il joue aussi de la batterie dans un orchestre de jazz. Il se met au piano quand il habite à Paris à partir de 1939. C’est commode pour composer des airs et trouver les accords qui vont avec. Si pendant sa scolarité son professeur de français lui donne des cours de versification, par contre Brassens est totalement autodidacte en musique. Quand il se fait connaître de Patachou à l’âge de 31 ans en 1952, il a déjà écrit 82 chansons, paroles et musique, déposées à la Sacem. Le conférencier en estime la qualité est moindre que celles de ses futurs disques. Cela ressemble à du Trenet.

Les chansons

Le  théorème de Brassens : la musique doit soutenir le texte, l’accompagner, sans jamais prendre le dessus, pour mieux se souvenir du texte.

Voici quelques musiques de chansons où il faut que le texte prime absolument, quitte à simplifier la musique à l’extrême : Le Gorille et Les deux oncles. Dans ces exemples, la musique est simple. Comme le nombre de couplets est assez important, respectivement 9 et 15, Brassens cherche à ce que le public se concentre sur son texte pour mieux le savourer. Idem pour la Supplique.

Côté texte, le fait d’écrire des poèmes destinés à être chantés en chansons, a pour conséquence que Brassens utilise des effets vocaux qui exagèrent l’aspect musical du poème-chanson. Parmi ces effets dont le but est de rendre le texte chanté parfaitement compréhensible pour le public, citons le fait de rouler les r, la non utilisation d’enjambements, l’allitération (toutes se précipitent hors d’atteinte du singe en rut sauf une vieille décrépite et un jeune juge en bois brut), la versification (la petite marguerite est tombée en 4/4/3). A contrario, quand il chante du Victor Hugo, il s’arrange pour que le mot abbé soit compréhensible dans la suite Saint-Ildefonse abbé voulut qu’afin de préserver du vice les vierges qui font leur salut. Il ralentit et détache le mot.

Venons-en aux composants de sa musique. Commençons par les rythmes utilisés. Il utilise sa pompe soit en quatre temps soit en trois temps (rythme de valse). Il a utilisé également la sardane, mais rarement (Bécassine, Boulevard du temps qui passe).

Voyons maintenant ses mélodies. Soulignons d’abord que le registre de la voix de Brassens était limité à environ deux octaves. Dites à Bach ou Chopin de ne composer que sur deux octaves ! Brassens est doué : c’est un très bon mélodiste. Il avait un petit oiseau dans la tête comme disait Henri Salvador. Quelques exemples : Les sabots d’Hélène, Les croquants. Disques : dans l’ombre du cœur de ma mie (Clark Terry), Bécassine (Raffali), Marche nuptiale (Raffali, J.Newman).

Si l’on cherche des preuves que Brassens est un compositeur, comme Henri Salvador, citons deux faits : a) on a retrouvé à sa mort plusieurs compositions musicales sans texte s’y référant, et b) il a mis en musique 29 poèmes de 15 poètes comme Paul Fort, Victor Hugo, Aragon, Corneille, Verlaine, Villon, Musset, Lamartine… Voici un exemple de jolie mélodie sur un poème d’Antoine Pol, Les passantes. Voici comment se répartit sa production.

Abordons maintenant l’harmonie. Brassens est très habile pour jouer les accords et les enchaîner, parfois à toute vitesse. Certaines chansons sont difficiles à interpréter et des guitaristes amateurs s’y sont cassé les dents. Voici un exemple : le cocu. Je recommande aussi 95 fois sur cent.

Paradoxe : comment un si bon compositeur arrive-t-il à ce que la musique passe derrière les paroles quand il chante le poème-chanson Trompettes de la renommée ? C’est un tour-de-force.

Côté structures musicales, Brassens compose aussi bien des morceaux très courts de quelques mesures comme dans Comme une sœur que des morceaux plus sophistiqués avec plusieurs parties comme dans Grand-père. Il utilise souvent des ritournelles comme dans Cupidon s’en fout. Il affectionne la succession de deux accords : mineur et majeur avec un ton d’écart. Cette série revient très souvent : Les Passantes, La non demande en mariage.

Brassens, jazzy ? Non, Brassens n’a jamais chanté en swinguant. Cependant Brassens utilise tous les accords, majeur, mineur (beaucoup utilisé en jazz manouche), mais aussi le 7ème de dominante (Au bois d’mon cœur), le diminué (La première fille, Trompettes de la renommée), la quinte augmentée (La chasse aux papillons, comme une sœur, les passantes), le 9ème moins, accords souvent utilisés en jazz. Il est facile également de swinguer sur du 4 temps en accentuant les temps pairs 2 et 4 comme ceci. Sidney Bechet a joué La cane de Jeanne. Nougaro également avec son trio de jazz du pianiste suisse Marc Hemmeler. La structure du morceau est similaire à celle de la structure de jazz appelée l’anatole. De nombreux jazzmen se sont fait plaisir en jouant son répertoire en instrumental.

Pour terminer, voici plusieurs disques enregistrés par des orchestres jouant seulement la musique de Brassens, sans chant. Je vous propose d’en écouter quelques extraits.

  1. a) swing : histoire de faussaires (Raffali), les copains d’abord (Escoudé), le temps ne fait rien à l’affaire (Cat Anderson), je m’suis tout p’tit devant une poupée (J.Newman et 6½) ; b) bossa la non demande mariage (H.Edison, Escoudé) ; c) New-Orleans : Pénélope (st), la route aux 4 chansons (tbo, st).

 Yves Richard et un jeune trompettiste sétois talentueux, Florentin Braquart, joueront en duo, la musique de Brassens en version instrumentale, piano et trompette,  au festival Brassens de St-Gély-du-Fesc, samedi 10 novembre 2018, à 11 H 15 à l’espace Brassens (entrée libre).

Par ailleurs, dans l’esprit de cette conférence, Michel Sadanowsky, guitariste de renom international jouera Brassens dans différents styles de la tarentelle à la valse en passant par le flamenco, le samedi 10 novembre à 15 h 30 à l’espace Brassens. Concert en partenariat avec Hérault Culture 

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